Les journalistes dans le débat démocratique Colloque International du Réseau Théophraste, Tunis octobre 2017
Message de Marc-François Bernier (Ph. D.) Professeur titulaire, Département de communication, Université d'Ottawa
APPEL À COMMUNICATION
Les journalistes dans le débat démocratique
Colloque International du Réseau Théophraste
en partenariat avec
l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF)
et le
Centre Africain de Perfectionnement des journalistes (CAPJC)
Tunis, 23-25 octobre 2017
Le colloque organisé par le réseau Théophraste sur « les journalistes dans le débat démocratique » se veut une occasion pour penser à partir de diverses perspectives et de contextes (nord-américain, européen, africain et arabe) les problématiques du rôle des journalistes dans l’espace public et leur place dans la société démocratique. Ces problématiques sont revisitées à partir des transformations en cours ; transformations politiques (montée des populismes et des extrémismes, transitions politiques et démocratiques, etc.) et transformations de l’écosystème culturel (la place des médias sociaux et du numérique dans la vie sociale, les médias émergents, etc.).
On peut penser les rôles démocratiques des journalistes à partir de différentes perspectives théoriques (espace public, crise des institutions, économie politique, mutations culturelles et technologiques, pratiques novatrices, etc.). Cela permet d’interroger la place du journalisme, sinon des journalismes, à la lumière de ces multiples changements qui paraissent inédits tant ils sont à la fois politiques et culturels.
Ce colloque international se veut interdisciplinaire et convoque aussi bien théoriciens que praticiens.
Il sera consacré à des études de nature empirique ou théorique portant sur des questions relatives aux médias, aux journalistes et aux citoyens qui prennent part aux débats démocratiques, dans un contexte de transformations des plates-formes, de la montée en puissance de mouvements populistes et de mises en cause de la crédibilité, voire de la légitimité du journalisme.
- 1. Argumentaire
La problématique des médias, des journalistes et du débat démocratique n’est ni neuve ni inédite. Depuis que le philosophe allemand Jürgen Habermas a théorisé la question de l’espace public, des travaux et des recherches ont analysé le rôle des médias et des journalistes dans la construction et le fonctionnement de l’espace démocratique : les médias renforcent-il le débat démocratique ou au contrairement participent à sa perversion et son détournement?
L’arrivé de l’internet a ravivé ce questionnement théorique. Le réseau des réseaux serait ainsi la source d’un renouvèlement de l’espace délibératif en favorisant une communication publique moins hiérarchique, plus démocratique et davantage favorable à l’expression des citoyens et à leur engagement dans les affaires publiques.
Plus récemment le printemps arabe a renforcé les espoirs d’une démocratisation qui pourrait advenir par les biais des médias sociaux, espace de contestation, des pouvoirs autoritaires et de l’engagement des citoyens. L’internet et les médias sociaux seraient ainsi un espace alternatif des médias de masse ravis par les élites, pervertis par la marchandisation selon certains, et qui n’assurent plus leur rôle dans les démocraties (contre-pouvoir, sources d’information crédibles, les médias comme chiens de garde démocratique, etc.) et jouissant peu de la confiance des citoyens.
Les « journalistes citoyens », cette nouvelle catégorie de « journalistes » libérés des contraintes des journalistes professionnels, et de ses supposées tares, se présentent souvent comme des journalistes alternatifs assumant les fonctions abandonnées par les journalistes professionnels (adversité, information de proximité, enquête, etc.)
Cette problématique du rôle des médias et des journalistes dans le débat démocratique est aujourd’hui particulièrement repensée dans le contexte de l’impact de plus en plus important du numérique et des médias sociaux, en particulier sur la sphère politique et l’espace public, ainsi que sur les pratiques de consommation et d‘usage des médias.
Par ailleurs la victoire de Donald Trump aux dernières élections présidentielles des États-Unis, ou encore la sortie de la grande Bretagne de l’Union européenne par référendum populaire (Brexit), tout comme la montée de mouvements populistes de droite, suscitent de nouveaux questionnements sur les rôles des médias et des journalistes face à l’impact des médias sociaux sur la communication politique.
Ainsi, des acteurs politiques accusent les médias de diffuser des fausses informations et de pratiquer la désinformation afin de les décrédibiliser et les délégitimer. Mais en même temps, ils utilisent eux-mêmes les fausses informations afin d’influencer les opinions publiques et les électeurs.
Consacré mot de l’année 2016 par le Dictionnaire britannique Oxford, la « post-vérité » résume cette bataille autour des faits et les enjeux politiques de la désinformation.
Le phénomène de la désinformation (incluant les Fake-News), est un phénomène ancien aujourd’hui indissociable des médias sociaux et de leur rôle grandissant en tant que source d’informations. Sans avoir le même impact sur la vie politique qu’aux États-Unis et en Europe, le phénomène de la désinformation est aussi observable dans les pays du Sud, surtout dans les pays qui vivent des transitions politique et démocratique difficiles. Les médias sociaux y sont utilisés comme arme d’influence politique, de manipulation des opinions publiques, d’atteinte à la légitimité des institutions, etc.
Dans ce contexte les médias dits professionnels, seuls ou en coopération avec les acteurs de l’internet (Google, Facebook) ont développé diverses initiatives qui s’articulent autour de ce qui est appelé la vérification factuelle (Fact Checking). La vérification, la rigueur, le croisement des sources, principes fondamentaux du journalisme, sont réaffirmées en tant que fonctions capitales du journalisme, alors qu’explosent le nombre de sources d’information, et que les journalistes et les médias sont appelés à travailler sous l’exigence de plus en plus contraignante de l’instantanéité.
- 2. Trois axes de réflexion :
Les contributions attendues peuvent porter sur les axes suivants :
Axe 1 - Les journalistes et les mutations de l’écosystème des médias
Les médias sociaux favorisent l’émergence de nouveaux acteurs (youtubeurs, blogueurs, etc.), de nouvelles formes de prises de parole et d‘organisations collectives, de consommation des médias et des informations et de productions (usagers générateurs de contenu, curateurs, etc.). Sans prétendre à l’exhaustivité, voici certaines pistes d’intérêt pour le colloque:
Axe 2 - Nouvelles pratiques journalistiques
Les médias professionnels développent de nouvelles initiatives et de nouvelles formes de journalisme centrées pour la plupart autour de la vérification de l’information ainsi que la rapidité de la production comme de la diffusion.
Axe 3 – L’irruption des publics
On ne peut parler de journalisme et de démocratie sans inclure un groupe d’acteurs incontournables que sont les publics et les citoyens qui les composent. Autrefois confinés au silence ayant une apparence de passivité, les voilà qui font irruption dans le débat démocratique à l’aide des médias sociaux et autres médias émergents. Ils y contestent aussi bien les institutions (médias, justice, formations politiques, parlements, etc.) que les individus (journalistes, hommes et femmes politiques, experts, intellectuels, etc.). Plus que jamais le débat est animé par la triade médias/élus/citoyens dans des contextes démocratiques aux configurations multiples : traditions, institutions, conflits, extrémismes, etc.
Les propositions
Les propositions peuvent explorer des problématiques connexes aux questions soulevées plus haut. Elles peuvent être de nature théorique ou empirique, mais les enquêtes empiriques seront favorisées.
Elles peuvent être basées sur des études de cas, des recherches quantitatives ou qualitatives, des recherches comparatives, des enquêtes auprès de journalistes, d’acteurs politiques, de citoyens, etc.
Les chercheurs intéressés à participer à ce colloque international francophone doivent faire parvenir un résumé de 300 à 500 mots exposant leur problématique, leur méthodologie et, le cas échéant, les résultats anticipés.
Les frais de déplacement et d’hébergement des participants seront pris en charge par les organisateurs du colloque
Il faut faire parvenir le titre et le résumé de leur communication, avec Journalistes et débats démocratiques comme sujet du message, à l’attention de Marc-François Bernier (mbernier@uottawa.ca), président du comité scientifique du Réseau Théophraste, avant le 15 mai 2017.
Une réponse sera donnée au plus tard le 1er juillet 2017 par le comité scientifique, après un processus d’évaluation en double aveugle.
Veuillez indiquer votre nom et vos références (affiliation, université ou institution, adresse électronique, numéro de téléphone et titre de communication) dans le corps de votre message.